Dernière mise à jour le novembre 1, 2025 par Brenda
Je dois admettre que Silent Hill ne m’a jamais semblé être « ma » franchise quand j’étais plus jeune. J’ai raté son apogée sur PS2, j’ai regardé mes amis se laisser absorber par son univers inquiétant, et j’ai plutôt observé la magie de loin. Mais ces dernières années, les choses ont changé pour moi, surtout quand j’ai joué à Silent Hill 2 Remake. C’était tellement dense, tellement évocateur, que j’en voulais encore plus. C’est là qu’est entré en scène Silent Hill F, une réinvention audacieuse, un voyage dans la campagne japonaise et une aventure qui m’a accaparé bien plus que prévu, dans le bon sens du terme.
Premières Impressions : Atmosphère Hors du Commun
Je vais être honnête : je n’avais pas beaucoup d’attentes vis-à-vis de Neobards Entertainment. Ils manquaient de prestige, et le choix de situer le jeu en dehors de « Silent Hill » semblait presque sacrilège. Mais dès mes premiers pas à Ebisugaoka, un village de montagne englouti dans le brouillard, j’ai été conquise. Chaque ruelle, chaque sanctuaire et chaque pont branlant a une histoire. Il y a une violence dans le calme, un sentiment que même les fleurs vous observent.
J’ai adoré le fait que la direction artistique s’inspire fortement du folklore : portails torii, lanternes en papier, champs de lys araignées pourpres. Dans Silent Hill F, la beauté et la terreur s’entremêlent jusqu’à ce que vous ressentiez les deux à chaque instant. Au fil des dizaines d’heures, le brouillard a cessé d’être un simple effet d’ambiance pour devenir un personnage à part entière, étouffant et séduisant.
Histoire : Tragédie Fleurie
Le récit s’enracine dans le traumatisme, la culpabilité et la tentative de se libérer du cycle de la souffrance. La protagoniste, Hinako Shimizu, est une étudiante victime d’abus violents à la maison. Son désir d’échapper à la cruauté de son père la plonge dans une spirale de folie, où la frontière entre réalité et surnaturel, raison et délire, devient floue.

Silent Hill F ne vous submerge pas d’explications. Au contraire, il vous oblige à reconstituer le puzzle à partir de journaux intimes, de souvenirs murmurés, d’indices trouvés dans des recoins insolites et de la configuration réelle d’Ebisugaoka. La ville devient à la fois une carte et un puzzle, qui se transforme à mesure que vous comprenez mieux l’histoire de Hinako. Parfois, j’ai trouvé cela presque accablant de suivre cinq fins, de multiples choix qui se ramifient et d’innombrables bribes de traditions cachées. Mais c’est aussi ce qui m’a captivé : mes choix avaient de l’importance. Lorsque j’ai finalement atteint ma troisième fin, j’ai eu l’impression d’avoir réécrit moi-même le destin de Hinako.
Les personnages secondaires sont riches en ambiguïté. Parfois, vous ne savez pas à qui ou à quoi faire confiance, pas même à vos propres sens. J’ai particulièrement apprécié la manière dont le jeu aborde les thèmes du traumatisme féminin, de la pression sociale et de l’isolement culturel. Il n’hésite pas à utiliser l’histoire et la mythologie japonaises pour créer un effet psychologique, ce que peu de jeux d’horreur occidentaux osent faire. Le village n’est pas une simple toile de fond passive : ses secrets, des sanctuaires en ruine au royaume du « Sanctuaire noir » (un parallèle spirituel à l’Autre Monde des jeux classiques), sont essentiels pour résoudre le mystère global du jeu.
Conception du Puzzle : Complexe, Ingénieuse et Immersive
Les énigmes de Silent Hill F sont parmi les meilleures que j’ai vues depuis des années. Chaque zone principale (l’école de Hinako, sa maison en ruines, les rizières en décomposition) introduit sa propre « logique ». Parfois, vous devez décoder les ragots des élèves pour trouver la combinaison d’un casier ; d’autres fois, vous devez naviguer dans des labyrinthes spirituels à la recherche d’objets cérémoniels ou utiliser les indices fournis par l’environnement pour reconstituer ce qui est arrivé aux villageois disparus.
Le diable est dans les détails : vous devez vraiment lire chaque document, observer les changements subtils dans la décoration, écouter les rumeurs locales et même décoder les métaphores dans la musique. Les énigmes deviennent de plus en plus difficiles à mesure que le niveau de difficulté augmente ; en tant que personne qui aime mettre mon cerveau à l’épreuve, j’ai trouvé le mode Difficile particulièrement gratifiant. Et il ne s’agit pas seulement de difficulté pour la difficulté : chaque énigme résolue vous plonge un peu plus dans l’histoire tortueuse d’Ebisugaoka.
Certains de mes meilleurs souvenirs sont liés aux talismans Omamori, des amulettes japonaises protectrices qui confèrent des bonus ou des connaissances. Certaines sont faciles à repérer, d’autres nécessitent de revisiter des lieux déjà explorés, d’essayer plusieurs solutions ou simplement d’avoir la patience d’observer quand le brouillard se dissipe. J’ai passé des heures à « errer » sans jamais m’ennuyer.
Combat : Tension Maladroite, Enjeux Réels

S’il y a bien un aspect du jeu qui divise les fans, c’est le combat. Soyons honnêtes : l’action n’est pas toujours fluide. Les armes, principalement des armes de mêlée à la durabilité limitée, ont tendance à se casser en plein combat. Les esquives peuvent sembler flottantes, et il y a un risque réel d’être paralysé par des ennemis agressifs. Mais d’une certaine manière, cette maladresse fonctionne. Vous n’êtes pas Rambo qui massacre des monstres ; vous êtes désespéré, souvent en infériorité numérique, et vous avez souvent intérêt à courir ou à vous cacher. C’est là, je pense, l’essence même du survival horror.
La liste des ennemis est troublante et créative. La première fois qu’un épouvantail ennemi est sorti en titubant du brouillard, je me suis figée. Plus tard, des boss massifs et titubants m’ont réduit en bouillie, me rappelant qu’à Ebisugaoka, la taille est presque toujours synonyme de terreur. Les parcours Nouvelle Partie+ vous permettent d’aborder le combat sous différents angles stratégiques, et l’expérimentation des trois niveaux de difficulté du jeu (Histoire, Difficile, Perdu dans le brouillard) modifie constamment le rythme. J’ai trouvé le mode « Perdu dans le brouillard » à la limite du sadisme, et j’ai adoré ça.
Visuels : de la Sérénité Rustique au Cauchemar Alimenté
Silent Hill F est le plus beau jeu auquel j’ai joué cette génération. L’éclairage Lumen, le brouillard particulaire et la géométrie nanite d’Unreal Engine 5 produisent une immersion environnementale totale. Le passage de l’horreur des petites villes américaines à la terreur rurale japonaise porte ses fruits. Sanctuaires classiques, forêts de bambous, vagues de fleurs parasitées… Une beauté sinistre et hypnotique recouvre tout.
Tous les objets ont un aspect usé par le temps. Les manuels scolaires qui se décomposent sur les bureaux, les graffitis laissés par des élèves désespérés et les autels familiaux en ruine racontent l’histoire de la ville. Le Dark Shrine, l’autre monde spirituel au cœur du récit, utilise les couleurs, les ombres et la géométrie de manière inventive, avec des monstres difformes et des réalités changeantes. Pour tous ceux qui aiment les jeux atmosphériques, celui-ci est une véritable réussite.
Les performances ne sont pas parfaites. Sur PlayStation 5 Pro, j’ai constaté des baisses de fréquence d’images lorsqu’une douzaine d’ennemis envahissaient l’écran. Mais pour un jeu aussi dense visuellement, j’étais prête à fermer les yeux là-dessus.
Bande Originale et Audio : Envoûtante, Émotionnelle, Emblématique

La bande-son est essentielle dans un jeu d’horreur, et celle composée par Akira Yamaoka est une véritable réussite. Chaque morceau est empreint de tristesse, de nostalgie ou d’angoisse. En errant dans les ruelles désertes, je m’arrêtais parfois juste pour écouter la musique évoluer au gré du brouillard.
Le son ambiant est une arme psychologique. Je ne me suis jamais sentie en sécurité, grâce aux couches constantes de sons environnementaux : planchers qui craquent, vent qui souffle dans les arbres, rires distants et artificiels, et bruits de menaces cachées. L’absence de sursauts bon marché est une bénédiction ; au contraire, je me suis retrouvée sur les nerfs à chaque moment apparemment « calme ».
La musique de Yamaoka est présente dans toutes les sections principales, et les bonus de l’artbook vous permettent d’approfondir encore davantage le processus créatif. En tant que joueuse et passionnée de bandes originales, ces petites attentions ont rendu l’univers encore plus vivant.
Rejouabilité et Valeur
J’ai terminé ma première partie en un peu moins de 13 heures. Mais avec cinq fins différentes, des objets cachés à collectionner, des entrées de journal et le contenu de la Nouvelle Partie+, j’ai facilement doublé ce temps lors de tentatives supplémentaires. Les parties suivantes permettent de mieux comprendre le parcours de Hinako et la malédiction qui pèse sur la ville. Il y a toujours quelque chose de plus à découvrir, qu’il s’agisse d’un indice manqué dans une énigme, d’un combat de boss optionnel ou d’un récit secondaire qui vous fait voir l’histoire principale sous un nouveau jour.
Notes Techniques
Aucun jeu n’est parfait. Outre quelques baisses occasionnelles de fréquence d’images, j’ai rencontré deux ou trois blocages logiciels, dont un qui m’a obligé à redémarrer à partir d’un point de contrôle. Dans l’ensemble, les performances étaient solides, et l’immersion offerte par les graphismes, le son et l’histoire compensait largement les quelques défauts techniques.
Profondeur Thématique : Horreur qui Résonne

Ce qui est vraiment émouvant dans Silent Hill F, c’est la manière dont il utilise des décors japonais et des thèmes philosophiques. Plutôt que de simplement reproduire l’horreur américaine, il explore le deuil, la honte, l’ostracisme et le pouvoir curatif ou destructeur de la mémoire. Ces idées se concrétisent non seulement dans le récit, mais aussi dans les mécanismes, les graphismes et le son.
Ce n’est pas seulement un jeu d’horreur qui cherche des cris bon marché ; c’est une réflexion sur les traumatismes personnels et culturels. Le mélange entre le Japon moderne et traditionnel, entre la beauté et la violence, donne à chaque hantise un contexte et fait d’Ebisugaoka un lieu réel, un lieu qui a une âme. C’est cette ambition artistique, plus que toute autre prouesse technique, qui fait que Silent Hill F restera gravé dans ma mémoire.
Réflexions Finales
Silent Hill F m’a offert tout ce que je pouvais attendre d’un survival horror : tension, intelligence, beauté technique et émotions profondes. Oui, il demande de la patience, et peut parfois être frustrant avec ses énigmes et ses combats imparfaits. Mais les récompenses sont immenses.
Silent Hill F n’est pas seulement le meilleur titre d’horreur de l’année, il établit également une nouvelle référence dans le genre. Pour les nouveaux fans comme pour les vétérans de la série, c’est le voyage sombre que vous attendiez. Ne le ratez pas.
Score Final : 9,8/10
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